Les tâches de développement pour le couple

Construire un couple demande d’investir, de s’impliquer dans la relation tout en restant soi, elle se nourrit de ce que chacun veut y apporter et partager, donner à l’autre et recevoir. Un couple est vivant de la vie des 2 conjoints. un couple ne peut exister sans la conscience de ce tiers qui est la relation qui évolue sans cesse et demande une adaptation continue de la part de chacun.

Le couple  doit aujourd’hui se situer sur trois points : les frontières, les objectifs ou projets et l’organisation interne. La manière dont il répond à ces trois thèmes lui donne sa personnalité.

Le couple réunit un homme et une femme, de force égale, parallèle certes, mais aussi de sens contraire, et c’est la conjugaison de ces deux forces qui causera son épanouissement ou, s’il y a dysfonctionnement, sa rupture. Les différentes formes de vie de couple peuvent être ainsi regroupées:

–       le couple à une voie (x) : fusionnel, se voulant dans l’unité, l’un domine, décide, et l’autre se coule dans sa personnalité – il n’y a pas de désaccord ni conflit;

–       le couple à deux voies(x) : chacun veut exister par et pour lui-même, il n’y a pas de partage, d’unité, il y a respect de la liberté, mais sans chaleur humaine vis-à-vis de l’autre ;

–       Le couple à deux voies (x) qui cherche à réaliser quelque chose à travers le couple : avoir un enfant, avoir un travail… – chacun reste individualiste et ne met en commun que ce qui pourra permettre la réalisation de son projet et apporter un bénéfice psychologique, affectif, financier;

–       Le couple qui est uni dans le respect des différences, le respect des désirs et besoins de chacun – chacun pense et le « nous » agit portant du fruit de l’apport de chacun.

 

Le couple navigue entre un souci d’égalité et une réelle inégalité, entre individualisme et fusion rêvée au titre des mythes conjugaux, valorisation du changement et refuge dans la permanence, avec des conflits de loyauté. Comme s’il fallait que chacun ait la même part du gâteau, on est alors loin du « donner sans compter » ! Chacun doit recevoir en fonction de ses besoins ce qui est nécessaire à son épanouissement et faire de son mieux.  Aujourd’hui, il y a difficulté à donner et les personnes ont peur de la séparation, et puis la notion de mérite vient corrompre le jugement. Les rôles, priorités et projets sont faussés à long terme.  Ainsi, on s’engage pour l’instant, ce qui induit une perte d’investissement dans le couple, laquelle est dangereuse pour lui et entraîne souvent une routine qui fait fuir l’un des deux.

Comment être attaché à l’autre en restant libre ? Le couple a besoin de respiration après un moment de fusion. Pour vivre cette respiration il est important de s’écouter soi-même et de se poser des questions : qu’est-ce que j’amène dans mon couple et qui nourrit l’autre ? Qu’est-ce que l’autre m’apporte ? Qu’est-ce qui me manque dans mon couple ?

La grande question au sein du couple, qui peut générer une séparation et un désir d’aller voir ailleurs, est celle du partage du pouvoir. Quatre relations possibles peuvent exprimer les manières de se le partager :

la relation symétrique

Égalitaire, comme dans la fratrie, avec une équivalence entre ce que chacun donne et fait, mais cela conduit vite à des situations de conflits et d’agressivité, de fuite ou de manipulation, car c’est très compliqué à cause de la compétition et du calcul.

la relation complémentaire

Ou encore dite de dominant/dominé : l’un dirige et l’autre suit, mais il y a frustration à la longue du dominé qui ne se sent pas écouté ni compris, et l’épanouissement du couple est difficile.

la relation parallèle

Qui est la conjugaison des deux premières : chacun reste dans son domaine de compétences et y est maître, ce qui paraît idéal, mais dans la pratique une répartition égalitaire n’existe pas et il faut bien un moment mettre en commun pour les décisions.

la relation paradoxale

Dans laquelle le pouvoir s’exerce par la faiblesse et le mimétisme du père ou de la mère de chaque conjoint, ce qui entraîne fatigue, maladie, codépendance, et empêche parfois de passer à l’action ou de mener au bout les projets en couple. Ce type de relation s’achève avec l’arrivée du premier enfant, ce qui crée des problèmes, car les places ne sont pas encore bien définies, le père se sent exclu et la mère ne se sent pas reconnue autrement que comme mère.

La question centrale du pouvoir à partager se manifeste dans de nombreuses situations et se révèle dans des comportements…

  • Ainsi, râler, ne pas décider, faire silence, refuser le changement, prendre des initiatives seul…c’est exercer un pouvoir, or le pouvoir est à partager par la discussion et avant la décision, ce qui souvent n’est pas fait.
  • la répartition des rôles sous forme de « toi tu t’occupes des travaux de la maison, moi des courses… » se fait-elle en fonction des caractères, des talents ou des stéréotypes ?
  • quant au pouvoir dans et en dehors de la maison, qui répartit et qui l’exerce ?
  • concernant l’autorité face aux enfants, qui exerce l’autorité et comment ?
  • quelles formes prend le pouvoir dans la sexualité, ainsi par le non ou la demande excessive ?
  • qui a le pouvoir avec l’argent par le contrôle des dépenses et comment s’exerce-t-il ?

 

A la question du pouvoir s’ajoute celle des frontières. Marquer les frontières c’est construire la cohésion du couple[1] :

 

–  frontières intérieures du couple : jusqu’où va la mise en commun ? Amis, loisirs, revenus, idées… quels sont les degrés de fusion ou d’autonomie et les territoires de l’intime ? Le couple doit trouver la bonne distance, à revoir régulièrement en fonction de la croissance du couple. Cela est rendu possible par des attitudes de consensus, des partages, de l’authenticité, le dialogue et l’échange qui montrent les différences. Une asymétrie est possible entre les conjoints et cela crée des conflits ou décalages, sauf s’ils acceptent cette différence.

 

–  frontières extérieures du couple : quelle est l’ampleur des échanges avec le monde extérieur ? Quelle clôture mettre ? Certains se protègent beaucoup, se replient sur l’univers domestique qui signifie pour eux un équilibre, l’ouverture leur apparaissant comme un danger. Pour d’autres, très ouverts sur les autres idées, le ressourcement du couple se vit dans cette dynamique vers l’extérieur. On mesure cette clôture à l’intérêt porté aux évènements extérieurs, à l’accueil d’amis, de la famille, à la découverte d’autres cultures… Il y aura des normes propres au couple qui réguleront cette ouverture ou pas (par exemple, pas d’amis le dimanche…)

 

Le couple s’est construit aussi sur un ou plusieurs mythes, tel celui de sa rencontre et de sa complicité dont beaucoup de petites choses chimiques ou évènementielles  font son identité propre et unique. Il instaurera aussi des rituels, autour de la nourriture, des voyages, des regards, des messages, des petits noms… L’intime se reconnaît dans toute cette construction plus ou moins solide, et l’infidélité vient souvent révéler que l’un des deux ne se reconnaît pas dans cette construction, qu’il souhaite changer le fonctionnement alors que l’autre s’y trouve peut-être confortablement installé.

Confiance, sincérité, honnêteté, intimité sont les éléments qui mettent un couple à l’abri des infidélités, car la relation est devenue bien trop précieuse pour être remise en cause. Dans une relation érigée sur ce socle, les deux partenaires connaissent le plaisir intense et durable qui vient de la conviction d’avoir créé un espace exceptionnel et exclusif, habité par des souvenirs et des projets qui n’appartiennent à personne d’autre qu’eux-mêmes. Pas de place pour une tierce personne dans une relation entre ces complices.

Vivre cet amour c’est passer du couple-pilier de la famille à un couple formé de deux personnes interdépendantes en voie d’autonomie. Comment préserver des territoires individuels et des territoires communs ? Il s’agit de redéfinir des frontières et de mettre la juste distance. La difficulté du couple vient de ce que chacun cherche en dehors de lui ce qui se trouve en lui. Il tente de faire l’unité avec l’autre alors qu’il ne peut pas réellement y parvenir sans avoir avancé dans sa propre unité intérieure. Chacun doit progresser dans son couple intérieur pour espérer progresser dans ses signes extérieurs. L’autre peut paraître un étranger, alors que souvent l’étranger est soi-même. C’est lorsque l’homme ou la femme dans le couple contacte sa vulnérabilité qu’un véritable échange peut commencer. Derrière tout appel du désir, derrière toute attraction de l’autre sexe, se trouve un désir d’unité et un désir de soi. La fidélité à soi-même demande de cultiver l’état amoureux non plus comme un rapt, une dépossession de soi mais comme la permanence d’un état intérieur qui change la manière de se placer dans le face-à-face.

Pour que chacun puisse conserver son authenticité, tout en s’affiliant à un projet commun, et que le couple soit sécuritaire, tout en évoluant dans l’environnement, le couple doit s’engager dans une démarche ayant pour effet d’équilibrer fusion et autonomie, stabilité et adaptation :

  • fixer les objectifs prioritaires et être dans le consensus pour les hiérarchiser et s’y investir,
  • organiser la répartition des tâches et apprendre les rôles,
  • définir les zones d’intimité et de lieux ou temps communs avec les autres,
  • identifier la territorialisation de la famille, sa répartition dans l’espace et le temps,
  • dans l’exercice du pouvoir, vivre un processus de décision conjugal et familial,
  • élaborer des codes de communication,
  • définir la nature et la fréquence des contacts avec l’extérieur,
  • développer une culture familiale faite de savoirs, d’histoires, de rites, de croyances, qui définit son identité, motive et légitime des décisions.

La relation sexuelle du couple en difficulté peut devenir ou redevenir particulièrement intense, permettant de réparer ou de rattraper ce qui n’avait pas pu être satisfaisant. Ainsi, si tout se passe comme s’il y avait eu déchirure, ensemble ils recomposent ce qui a pu être séparé. Bien sûr, les différences de personnalité, le rythme, extra ou introverti, plus ou moins émotionnel, plus mental, plus actif etc. ont, au fur et à mesure de la vie conjugale, induit des dysfonctionnements, des décalages voire des désaccords ou des conflits. Le changement se fera très concrètement à partir de ce bilan de la relation au quotidien, des renforcements possibles ou non, tant au niveau relationnel que sexuel. Si le couple ne parvient pas à dépasser ces différences et que la relation sexuelle ne suffit plus à cimenter, cela signifie que celui qui est parti vers un ailleurs ne se retrouvait effectivement pas dans ce vécu, qu’il y ait encore des sentiments ou pas.

Quels sont donc les éléments nécessaires pour dépasser la séparation ? Que garder pour construire ? Que garder de la relation adultère à remettre dans la relation conjugale en termes de bénéfices, quels besoins, attentes, désirs vis-à-vis du conjoint ? Les conjoints peuvent engager une remise en cause pour une évolution personnelle afin de mieux les satisfaire, mais aussi accepter l’incomplétude. Le couple devra créer un nouveau système, ce qui exige de passer par le deuil des rêves qui ne peuvent pas devenir réalité, mais aussi d’espérer en l’avenir. C’est souvent une étape pour les personnes dans le « devenir adulte », c’est-à-dire faire des choix, être responsable de ses actes et de ses conséquences, prendre en compte l’environnement et l’avenir.

L’évolution conjugale ne pourra se faire que par une attitude ouverte et positive : accepter de donner et de recevoir autrement dans une maturité qui est accueil et non jugement, par l’écoute active et la communication non violente. Cette évolution se manifeste par un regard différent porté sur l’autre, et d’abord sur soi, dans l’exigence de s’aimer soi-même. Puis aimer l’autre, tel qu’il est et pour ce qu’il est et non l’idée que je m’en fais ou celui que je voudrais qu’il soit ! Changer de lunettes sur la relation et enlever les étiquettes posées et les comportements rattachés à des croyances sur l’autre. C’est ainsi la reconstruction d’un mélange, d’un pot commun où chacun donne sans tout donner de lui-même, afin de garder son individualité et ne pas retomber dans la fusion. Etre autonomes mais liés et oser se mélanger, se fondre parfois dans la relation sexuelle, dans un abandon à l’autre.

C’est le système que l’un des conjoints ne supporte plus qui le pousse vers une tierce personne. Il cherche à quitter un fonctionnement qui ne lui convient pas et auquel pourtant il participe. Il croit donc tout quitter mais ne quitte qu’une partie, l’autre étant en lui. La séparation dans le couple ne sera donc pas forcément une fidélité à soi, mais une fuite par non volonté ou incapacité à gérer une insatisfaction ou opérer un changement avec l’autre.


[1] Robert Neuberger  nouveaux couples

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